Chapitre VI
Grandeur et petitesse
ou "Entre Être et Humain"
L’Hermite
Cette nouvelle journée,
Mat désire se la consacrer à lui-même, prendre du temps pour soi.
Pour commencer il retourne sans bagage sur le chemin parcouru le
jour précédant et cela pour admirer le lever du soleil sur une
bâtisse médiévale qu’il a remarqué la veille au soir. Le coup d’œil
est grandiose et récompense généreusement ce détour. Mat s’assied
sur le rebord d’un muret et contemple les jeux d’ombres et de
couleurs offerts par cet harmonieux mélange de vieilles pierres et
de riche végétation.
Il prend le temps
d’étudier l’histoire de cette demeure qui fut riche et agitée au
point qu’elle changea même de religions durant une période.
Ressourcé par toutes
les bonnes énergies de l’endroit, Mat repart riche de toutes ces
ondes positives pour aller prendre son petit-déjeuner au gîte.
La fatigue des jours
précédents commence à se faire sentir et il hésite à faire une
journée de repos. Alors avant de tirer la carte du jour il décide
que si le Pendu se montre, il s’arrête pour un jour de repos.
Ce n’est pas le pendu
mais à nouveau l’Hermite qui se montre. Mat ne peut s’empêcher
d’éclater de rire ; « voila que l’Hermite se pointe alors que je
viens de retourner sur mes pas » se dit-il « en plus de cela
je sais que le médecin du dispensaire travaille aujourd’hui, mais je
n’ai plus besoin de lui car mon panaris a éclaté la nuit
précédente ». Trêve de plaisanterie, l’Hermite tombe à point
nommé pour une journée tranquille. Mat profitera de celle-ci pour
réfléchir à ses expériences, le prochain bourg étant relativement
proche, c’est le bon moment pour avancer lentement, en Hermite.
La région est
magnifique, nous somme sur les rives du Lot. La richesse du paysage
nous transporte par endroit jusqu’aux temps reculés des voyages en
carrosse, des échappées à cheval, des pèlerinages de plusieurs mois
et des bandits de grands chemins.
Mat repaire les
endroits propices aux embuscades et comprend aisément la coutume de
l’époque qui voulait que les pèlerins se regroupent pour avancer
ensembles, rendant ainsi les attaques plus difficiles pour les
bandits.
Par contre le pèlerin
de cette journée est bien seul, pas une âme sur le chemin. C’est une
opportunité pour Mat qui voie là une occasion d’expérimenter
l’Hermite dans son fort intérieur, son terrain favori.
Durant toute la journée
Mat se repasse le film de ses expériences passées, bonnes et
mauvaises. Il remarque que l’ambiance dans son mental est nettement
moins chargée qu’il y a quelques jours. Le pèlerinage commence à
porter ses fruits, c’est l’esprit de St-Jacques qui est en train
d’opérer.
Mat revisite certaines
expériences passées, mais il le fait avec sérénité. Devant chacune
de ses expériences il parvient à prendre le recul nécessaire à une
vision émotionnellement épurée.
Certainement que le
temps pris ce matin pour revoir la magnifique maison médiévale y est
pour quelque chose, une journée débutée dans la contemplation ne
peut qu’apporter la foie en soi. Certainement que le temps qu’il
prend en ce moment pour parcourir son chemin, non pressé qu’il est,
complète très bien cet esprit paisible bien installé dans son être.
« Hé bien ! Je trouve
l’Hermite bien agréable ! »
Dit-il en arrivant en vue de sa prochaine étape. Mat est tellement
plongé dans ses pensées qu’il ne s’est même pas rendu compte du
chemin parcouru. Il vit une telle harmonie intérieure en ce moment
que tout coule comme une goutte de pluie sur un imperméable.
La journée fut riche en
pensées et en observation, et bien qu’il ne se passât pas
grand-chose, Mat se sent enrichit de l’intérieur.
Une chose le surprend,
il comprend mieux maintenant les énergies souterraines ; son esprit
a travaillé toute la journée sur la base de souvenir ou d’émotions
enfuies au fond de lui-même, mais cela tout en douceur. Il pense à
la présence du serpent dans l’Arcane et comprend mieux maintenant la
partie chtonienne de l’Être.
En laissant les
émotions s’exprimer avec douceur, les souvenirs quels qu’ils soient,
émergent discrètement en prenant leur place dans le paysage sans
même que l’on s’en aperçoivent. Comme le reptile qui, pour explorer
le monde à ciel ouvert, sort de terre en silence, les souvenirs et
expérience prennent place dans le quotidien sans tambour ni
trompette.
Même le serpent, dont
la symbolique habituelle navigue entre danger – médecine – poison –
démon etc.. ; ici le serpent devient paisible, calme et grâce à sa
mue, symbole de transformation, de renouveau.
La journée c’est écrite
dans les profondeur de son être et de sa mémoire, alors qu’il se
sent sans beaucoup plus proche de l’élévation, du divin. Voici
certainement une observation sur laquelle le temps lui apportera des
réponses.
L’Empereur
Aujourd’hui Mat s’offre
une journée de repos dans un bourg médiéval de l’Aveyron. Les
pierres sont si belles qu’il ne peut résister à l’envie de s’y
promener en flânant.
La Première
particularité qu’il observe est la solidarité, l’harmonie entre les
habitants. Il ne s’explique pas ce qui lui permet de faire cette
observation, mais à la façon dont les commerçants parlent entre eux,
la façon dont les gens sont reçus, l’absence de séparation entre les
terrasses des cafés et le sourire avec lequel ont est accueillit ;
ce ne peut être qu’un lieu de vie agréable.
La bourg s’apprête à
fêter son Saint protecteur, Saint Fleuret, tout le monde s’affère à
préparer la fête, les commerçants artisans ont tous un produit
spécifique pour cette fête, le boulanger propose un pain spécial,
goûteux et craquant rien qu’à la vue. Le boucher propose, à coté de
ses pièces de basse-cour, des pâtés en croûte dorés à souhait. Le
laitier expose des fromages de la région présentés dans des
emballages dignes des Champs Élysée. Quant au confiseur, il réussi à
vous faire douter de la pigmentation originel du cacao, tant son
étale de chocolat est colorée. Les fenêtres des maisons sont
décorées de guirlandes étoilées et quelques drapeaux de ci de là
font penser à une fête nationale.
Ce n’est pas seulement
une fête de village qui se prépare, c’est une communion, un partage
entre gens fières et heureux d’appartenir à ce lieu.
Mat se dit que
l’atmosphère au moyen age devait ressembler à celle-ci. Des
habitations aussi contiguës et une vie certainement moins facile
devaient créer ce sentiment d’appartenir à la même famille, d’être
concerné par le bonheur de l’autre.
Le Maire et quelques
administrés répètent la cérémonie et le départ du cortège, tout le
monde travaille dans la bonne humeur et avec engagement.
Un château
impressionnant émerge du bourg, il y a si peut d’espace alentour
qu’il est construit tout en hauteur. Une tour d’observation se hisse
du centre de celui-ci à plusieurs dizaines de mètres du sol.
L’impression qui s’en dégage est à mi chemin entre le conte de fée
et l’histoire d’un village dominée par un châtelain omniprésent.
L’image de l’Empereur
trotte dans la tête de Mat, il est impossible d’observer ce bourg
sans penser au maître des lieus, le château est visible de partout
et d’où que l’on approche de la localité, il est le premier et
presque unique édifice visible.
Mat décide de dédier
cette journée à l’Empereur et cela sans même tirer la carte du jour.
Bien qu’il l’ait déjà tiré il y a quelques jours de cela, sa
présence est si incontournable ici que ce choix s’impose.
Les proportions de la
citadelle nous transmettent déjà la présence de l’Empereur et la
relation avec ses sujets. Ce château occupant le moins de place
possible au sol nous autorise à penser que les Maîtres des lieus ont
toujours accordé de l’importance à leurs sujets en leur laissant la
place nécessaire à leurs habitations. La hauteur démesurée et
l’architecture de cette tour de vigie évoquent la volonté de tout
voir à tout moment. En effet, cette tour si étroite soit-elle, est
couverte et fenêtrée ; l’observation pouvait donc se faire
discrètement et par tous les temps ; un Empereur a le devoir de
s’inquiéter pour son peuple, car il ne serait rien sans lui.
Plus tard dans la
journée le Maire vient s’enquérir de l’avance des préparatifs, et
là, Mat observe des scènes révélatrices de la confiance régnant
entre l’élu et ses administrés. Le Maire semble connaître tous le
monde et leurs habitudes aussi, il leurs parle très personnellement
à chacun en y allant chaque foi d’une remarque ou d’un conseil
individuel. Les administrés le reçoivent avec déférence, ils sont
heureux de l’intérêt qu’il leur porte.
Mat n’en perd pas une
goutte, il regarde ces portions de vie se dérouler sous ses yeux
écarquillés d’émerveillement.
« Voila un vrai et bon
Empereur »
se dit-il, c’est peut-être plus facile dans une bourgade médiévale
que dans une cité dortoir, mais une chose est certaine, lui est un
bon. On a l’impression qu’il s’active afin que la fête soit une
réussite pour ses sujets, alors qu’eux donnent l’impression de bien
la préparer pour lui, leur boss.
Le soir, Mat choisi la
carte de l’Empereur pour l’admirer. Le héro du jour est le Maire et
les qualités que Mat a pu observer ressemblent tellement à son idéal
d’Empereur qu’il s’amuse à imaginer les traits du Maire remplaçant
ceux de l’Empereur ; hé bien ça lui vas à merveille.
Il y a quelque jours,
mat imaginait les qualités d’un Empereur, par moment il se prit
lui-même pour un Empereur, le mental tournait à pleine vapeur pour
créer des images d’Empereur, mais ici il est réel.
Le soir la fête sera
digne de la confiance régnant sur le bourg, pas de beuverie, pas de
bagarres, aucune agressivité même latente.
Seulement des gens
s’abandonnant en toute confiance dans cette ambiance sainement
festive.
L’Arcane sans Nom
Le bourg est encore
endormi lorsque Mat parcoure les rues en direction du chemin qu’il
reprend aujourd’hui. On remarque juste une lumière sous la
boulangerie et par le soupirail on entend siffler le boulanger qui
envahi déjà les ruelles d’une bonne odeur de pain chaud.
Avant de partir, Mat a
tiré l’Arcane sans Nom. Il se demande comment il vas pouvoir le
rencontrer car, il fait partie des mal aimés et sons sourire est
plutôt du genre à vous glacer le dos. Mais il fait partie de la
grande famille et sa mission est sacrément importante. Mat se dit
même que pour lui ça ne doit pas être rose tous les jour ; Faire mal
aux gens pour qu’ils se libèrent, qu’ils grandissent ; Ç’est pas
drôle, ni de le dire ni de le faire.
Le chemin longe la
rivière dans une forêt riche de multiples essences. Les rayons du
soleil commencent à poindre et les perles de rosée se transforment
en un tapis de lumignons ; comme si les étoiles de la nuit se
posaient sur le sol avant de s’endormir.
L’humidité ambiante
associée à toutes ces essences transforme le sous-bois en parfumerie
sylvestre. Mat respire amplement, hume toutes ces senteurs qu’il ne
connaissait pas. Il observe ce sous bois de plus près pour tenter
d’identifier les sources de quelques-uns de ces parfums. Ceux-ci
sont tellement saturés et éthérés à la foie qu’il imagine des
sources vivantes. Il se dit que pour fabriquer des senteurs aussi
intenses, ce doit être bouillonnant de vie.
Curieux, Mat décide de
suivre le parfum le plus puissant ; C’est un mélange de terre, de
bois humide et de champignons. Du nez il remonte cette fragrance
comme si l’odorat était devenu son unique capteur sensoriel. Ce
pistage l’emmène jusque vers une souche couchée à quelques mètres du
chemin. C’est un tronc mort, vieux de quelques années, recouvert
d’une flore abondante et variée. La consistance du bois est devenue
aussi souple que de la terre et un biotope microscopique c’est
approprié les lieux. Pour Mat, c’est l’expression concrète de la vie
se nourrissant des reliquats de la mort. Mort qui face au miracle de
la vie bat en retraite, impuissante qu’elle est devant une telle
abondance de vitalité. Elle bas en retraite sans rechigner, car elle
sait pertinemment que son tour reviendra lorsque le temps aura fait
son œuvre.
Faisant le lien entre
l’Arcane sans Nom et cette vision, Mat hésite entre comparaison
morbide et représentation de la vie. Il ne lui faut pas longtemps
pour trouver sa réponse, ce tronc mort est la démonstration parfaite
du principe « vie - mort et renaissance ».
Le clin d’œil est assez
clair avec l’Arcane du jour, même la terre tourbeuse entourant la
souche lui rappel le sol de l’Arcane sans Nom, le noir de la matière
appelée à être transformée. Quelques lierres et pièces de bois mort
entretiennent l’idée de vie en parsemant le sol.
Mat continue à suivre
le chemin qui a pris de la hauteur et domine maintenant le Lot de
plusieurs dizaines de mètres. Le lit de la rivière c’est élargit au
point de ressembler par endroit à un lac. D’ailleurs en y regardant
de plus près, on observe une longue bande de terre infertile formant
une ceinture tout autour de la surface d’eau. C’est le signe
irréfutable que la rivière est devenue un lac artificiel.
Ce lac est bordé de
quelques plages, aires de pique-nique et même un minuscule camping.
Une embarcation
manœuvrée par un homme debout transporte un passager, d’une rive à
l’autre.
Contre toute attente,
les accostages de cette barque sont placés au point le plus large du
lac. Mat se dit qu’il y a une bonne raison à cela, plus large est le
passage et moins le courant est fort ; Le batelier peut ainsi
piloter avec plus de précision sans risque de se faire emporter par
le courant.
Par moment la position
du batelier lui rappel celle du faucheur de l’Arcane sans Nom. Alors
Mat imagine Charon, le passeur du fleuve de l’enfer, celui qui se
tient aux portes du royaume d’Hadès. C’est une des explications de
la peur suscitée par l’Arcane XIII, la mythologie associait déjà le
batelier au passeur des enfers.
Cette image dérange Mat
qui refuse une telle imagerie ; Surtout qu’il se sent directement
concerné. Le Mat veut dire le Mort en perse, il est donc l’Âme qui
avance dans le Tarot, Âme qui peut être appelée à traverser la
rivière !
Alors il décide
d’écarter Charon de ses pensées pour faire place à une autre
iconographie. Il pense alors à Atoum, le dieu égyptien gardien de la
barque durant la grande traversée nocturne. Il se tient posté
debout, prêt à intervenir pour protéger pharaon des attaques d’Apophys,
le grand serpent et grand contradicteur.
Cette image lui
convient mieux, un batelier n’est pas obligé de vous accompagner
vers les enfers, une âme ne pourrait-elle pas gagner un endroit plus
clément tel que la renaissance ? Les vies après la vie ? L’autre
rive peut aussi être un lieu de vie !
Le batelier qu’il
observe en ce moment a placé ces accostages en eau calme, il est
donc plus juste d’imaginer Atoum. Charon ouvrant les voies de
l’enfer aurait certainement placé ses accostages à l’endroit le plus
étroit, le plus court, plus facile en apparence et assurément le
plus tourmenté, comme ses passagers.
Après quelques
kilomètres, Mat approche un muret orné d’une stèle improvisée.
L’abondance de fleurs décorant celle-ci et le nombre de pierres
pausées autour, témoignent de l’attention portée, de l’intensité de
la mémoire.
Ce monument est érigé à
la mémoire de l’homme qui depuis des années se tenait à cet endroit
pour faire un brin de causette avec les pèlerins. Il avait
visiblement beaucoup d’amis et les mots écrits en sa mémoire sont
tous touchant de sincérité. Le recueil de tous ses hommages se
termine par cette phrase : Il est partit vers le champs des
étoiles qu’il a tant aimé, il brille maintenant parmi elles.
A cette lecture, Mat
éprouve un sentiment de joie comme il a déjà connu par le passé lors
d’annonces de décès libérateurs. Pour Mat c’est une émotion
merveilleuse de voir une Âme s’en retourner parmi les étoiles, la
joie pour une Âme libérée.
Tout ceci n’est pas la
signification principale de l’Arcane XIII, mais si ces images se
présentent aujourd’hui, il serait difficile de faire l’impasse.
C’est tout de même elle, la faucheuse qui, en coupant les derniers
liens, permet cette libération, même si c’est le plus souvent
douloureux.
Mourir pour renaître !
Mat revoie le tronc mort de ce matin, ce biotope qui respirait la
vie sur chaque parcelle de sa masse. C’est tout de même la mort de
l’arbre qui a permis cette vie, on pourrait même aller jusqu'à
imaginer que cette masse rigide qu’il était durant sa vie d’arbre a
du céder pour faire place à la diversité, la fraîcheur, la jeunesse,
la vitalité etc…
Mat se dit aussi que
c’est pour toutes choses et chez tout le monde pareil. Avec le temps
et la croissance, la fermeté prend place, puis la rigidité s’immisce
et s’installe, puis vient la fatigue induisant du même coup
l’épuisement de l’étincelle de vie, l’extinction du feu sacré.
Maintenant il comprend
aussi la pensée sufi disant « Meurt avant de mourir ». Chacun
parvient à un point de rupture durant sa vie, cela même plusieurs
fois. C’est le moment où il vas devoir lâcher prise, abandonner ce
pourquoi il c’est battu, laisser derrière lui les valeurs qu’il
c’est forgé avec conviction. Ce point où seul la métamorphose
devient possible.
Qui dit métamorphose
dit transformation. Et qui dit transformation dit modification de
l’ancien pour quelque chose de nouveau. Peut-être est-ce le plus
difficile, car la transformation suggérée ici implique de garder la
richesse de l’enseignement tout en lâchant la structure qui
l’accompagne.
L’arbre en mourant
garde la matière organique et tout l’azote qu’il a emmagasiné, mais
il perds sa solidité, sa structure propre pour se putréfier et
permettre à la vie de perdurer.
La peur de la
transformation engendre des peurs irrationnelles et répond à la peur
de l’inconnu. Pourtant, chacun d’entre nous a un jour passé de
l’état de foetus à celui de nouveau né, et quelle transformation !
Passer d’un milieu aqueux à un monde aéré en quelques
minutes…..passer d’une oxygénation assistée à un respiration libre
en quelques secondes……
Non seulement nous n’en
somme pas mort, mais nous en sommes nés, et cela nous a permis de
nous développer, de grandir, de vivre cette nouvelle vie…… !
Tien ! Mat se rend
soudain compte qu’il ne cesse de voire et d’imager naissance et vie,
alors que l’Arcane du jour est L’Arcane sans Nom, « la Mort » pour
certains Tarot.
Devons-nous y voir un
message ?
La Lune
Mat marche
machinalement en pensant à toutes ses interrogations de la veille
sur l’Arcane sans Nom. Il se dit que le sujet est tellement vaste
qu’il faudrait plusieurs chapitres pour développer tous les messages
qu’il véhicule.
Cette nouvelle journée
est une autre aventure et la vie a cette chose extraordinaire qui la
fait avancer en permanence. Une autre occasion sera certainement
offerte à Mat d’expérimenter l’Arcane XIII plus en profondeur, mais
pour l’heure il ressent le besoin de s’ouvrir à une nouvelle
énergie.
Pour aujourd’hui c’est
la Lune qui ce présente, et de face, nous sommes en période de
pleine lune.
Mat ne tarde pas à
adopter quelques traits de la Lune. Pour commencer il ne cherche pas
autour de lui ce qui lui parlera de la Lune, il attend de voir ce
qui se passe, la lune est miroir et ne renvoie que l’image qui lui
est présentée. Mat se met donc en mode réception.
La marche est longue
avant de rencontrer des signes, mais il ne désespère pas. Les cycles
lunaires durent 29 jours et le premier n’est pas terminé.
Vers midi, Mat croise
un cheval seul dans un enclos loin de toute habitation. De loin
déjà, sa souhaite exprime la tristesse et son corps semble malade.
Arrivé à proximité, Mat remarque le regard du cheval qui le suit
attentivement mais avec une expression d’attente. Il ne perçoit pas
ce pétillement dans les yeux qu’ont habituellement les chevaux à son
approche.
La vision est
désolante, même effrayante. L’animal est couvert de croûtes,
elles-mêmes recouvertes par des mouches agrippées, magnétisées à sa
peau. L’enclos est un terrain qui n’a pas vu d’herbage depuis fort
longtemps. Le sol a certainement été boueux, mais il y a plusieurs
mois ; Il ne reste que le profile creusé par les sabots et durci
sous le soleil. Des restes de foin moisi jonchent le sol et la
réserve d’eau est vide. Pour parfaire le décor, il existe juste
quelques petites zones d’ombres, mais le chevale préfère rester
proche du chemin, sous un soleil de plomb, espérant certainement
quelques attentions.
Devant ce spectacle,
Mat a un haut le cœur. Les yeux implorants de l’animal créent un
climat dramatique insupportable. Il se dit que si la compagnie d’un
cheval lui était possible il le libérerait immédiatement. Mais
pèlerin de passage il ne peut évidement rien faire pour palier à
cette horreur. Alors il décide de faire une pause, choisit un
endroit ombragé, contre l’enclos, et s’y installe. Il partage son
pain avec l’animal et lui humecte le museau en se versant de l’eau
dans les mains. Ceci est bien peu mais l’animal aura au moins reçu
un minimum d’attention et d’affection. Mat prolonge même la pause
pour échanger quelques caresses contre quelques coups de têtes.
Au moment de partir,
l’animal exprime toujours une certaine tristesse, mais son œil
pétille tout de même. Cela réconforte Mat qui est heureux d’avoir pu
lui apporter un peu de cette affection si absente.
Ce n’est pas la vision
qu’il avait de la Lune, mais cette affection partagée, même entre
espèces différentes, en fait partie. Il se dit que ce sera à
retravailler plus tard.
Mat voudrait monter
aux barricades, rechercher le propriétaire pour l’intimer de
respecter cet animal, mais ce n’est pas son rôle de Mat. Il peut
avoir des échanges affectifs et heureusement qu’il en a. Il peut
aider dans le moment présent, réagir et éventuellement émettre un
avis, mais sa mission n’est pas de défendre les autres, il est un
pèlerin qui avance à la recherche de lui-même.
Peut-être est-ce la
vision du cheval, mais depuis quelques kilomètres l’ambiance est
lourde, les vibrations environnantes ne sont plus aussi harmonieuses
que les jours précédents ; puis Mat remarque un changement dans le
comportement des tans qui ne réagissent plus comme avant.
Normalement lorsqu’un d’eux se posait sur ses mains ou ses bras, il
suffisait à Mat de dire cette phrase : Je t’épargne ! Tu
m’épargnes ! Sous entendus : si tu ne me piques pas, je ne te tue
pas. Cela fonctionne normalement parfaitement et un micro mouvement
de la main suffit à faire partir l’insecte et durablement.
Pourtant, depuis
quelques kilomètres les tans ne réagissent plus à ce gentleman
agreement et s’accrochent jusqu’à l’issue fatale.
Remarque anodine, mais
Mat se dit que l’endroit manque certainement d’harmonie, dans une
atmosphère respectueuse, même les insectes peuvent y être sensibles.
Alors que si le climat est irrespectueux, comme ce qu’il a vu avec
le cheval, il n’y a aucune raison pour que la nature nous respecte.
Le comportement de la nature est le reflet de ce que l’homme lui
inflige.
Maintenant Mat approche
une ferme imposante cachée entre la forêt et les méandres de la
topographie locale. Quelque chose lui fait penser à la maison de
Heinzel et Gretel, sauf que celle-ci n’est pas tentante, seul
l’ambiance lugubre y correspond.
Le chemin traverse le
domaine en longeant d’un côté l’étable, la grange et la remise, de
l’autre l’habitation. Mat a le sentiment de traverser une zone de
guerre ; Deux chiens aboient avec autant de peur que d’agressivité,
Mat éprouve d’ailleurs de la méfiance envers ceux-ci, ce qui est
rare.
L’image des deux
édifices de l’Arcane de la lune est clairement suggérée et même que
nous soyons en plein jour, l’ambiance y est aussi lugubre qu’au cœur
de la nuit.
De toutes parts on voie
des panneaux d’interdictions, de propriété privée, de menaces, de
dangers.
Pas une porte, fenêtre
ou passage qui ne soit pas affublé d’un tel panneau. Derrière les
fenêtres deux personnes guignent en soulevant le rideau. Le
spectacle est affligent pour le genre humain. Soi les pèlerins sont
de véritables vandales et ceci justifie ces mises en garde, soi les
habitants sont totalement dominés par la peur de l’inconnu.
Mat se dit que même si
il n’avait pas tiré la Lune ce matin, il vient de vivre la pire
ambiance de celle-ci. Tout y est, le passage, les constructions de
chaque côté, les chiens, le lugubre et même un bassin de rétention à
quelques mètres en contrebas et bien entendu la peur transpire de
partout.
Réflexion faite, Mat se
dit qu’il y a certainement pire, ce serait de passer de nuit !
Comme par
enchantement, cette immersion dans l’Arcane de la Lune a eu pour
effet de développer la sensibilité de Mat qui depuis ce passage n’a
plus besoin de chercher le balisage. Il suit la piste intuitivement,
marchant très vite en regardant loin devant, en toute confiance,
comme si le danger était derrière.
Un sentiment nouveau
c’est développé en lui, le sentiment ou la sensation de survie, plus
rien existe autre que le salut qu’il trouveras loin de cet endroit.
Une certaine tristesse
l’envahi lorsqu’il pense à la puissance de ces énergies négatives.
C’est incroyable de constater à quel point l’irrespect et la peur
des habitants de ce lieu fait des dégâts alentour.
Le
Soleil
La traversée du massif
est éprouvante, et toutes ces vallées et collines à traverser sont
autant de défis physiques à relever pour Mat que chaque jour le rend
plus fort et déterminé.
Cette journée il l’a
débute très tôt, il passe par un endroit très touristique et il
préfère passer le plus vite possible. Il fuit le trop plein de
monde, car celui-ci impose trop de codes et de règles que Mat
éprouve beaucoup de peine à suivre.
Le rythme imprimé à la
marche, la transpiration aidant, donnent à Mat une allure de pèlerin
épuisé.
Mais il se sent
tellement bien dans ce pèlerinage, tellement à sa place qu’il
rayonne. Autour de lui, les personnes qu’il croise le regardent avec
un étonnement admiratif, il faut dire qu’avec son chapeau de Mat et
ses habits moyenâgeux il ne passe pas inaperçu, le regard allumé, la
peau tannée, les cheveux long sont autant d’éléments le faisant
ressortir du lot. Pour lui qui est un original, il n’a aucun mal à
rentrer dans la peau de celui qu’on montre du doigt. Hé t’a vu
çui-là ! C’est une remarque qu’il entend de plus en plus à son
passage.
Lorsqu’il traverse ce
bourg médiéval dont l’abbatial est si grand qu’il pourrait contenir
sept générations de toutes les familles du lieu, Mat prend son
temps. Il craignait d’y rencontrer trop de touristes, hors ceux-ci
ne sont pas au rendez-vous. Cela rend la visite agréable et se
promener dans ces vieilles pierres avec si peut de monde dans les
rues donne un air d’aventure.
Parmi les quelques
touristes présents, Mat capte le regard d’une femme qui le dévisage
avec des étoiles dans les yeux, sa vibration devient telle que les
deux regards ne parviennent plus à se lâcher, c’est comme un aimant.
Lui la trouve belle et désirable à souhait, elle visiblement est
sous le charme car ses yeux s’illuminent plus ils se rapprochent.
Cette attirance réciproque est si intense qu’une personne extérieure
à la scène pourrait penser qu’ils sont deux amis ou amoureux se
retrouvant par hasard après une longue séparation.
Lorsqu’il sont à 2
mètres l’un de l’autre, dans un axe de croisement les emmenant à ce
frôler, elle dit à demis voix : Hé bien voila un homme qui a du
courage ! À cet instant Mat se rend compte qu’elle n’est pas
seule, sans la quitter des yeux, elle ne le quitte pas non plus, il
voie du coins de l’œil le geste de l’homme qui l’accompagne ; Il lui
tire le bras avec une violence à peine contenue alors que son visage
exprime l’intensité de l’affront qu’il vient d’essuyer.
Qu’à cela ne tienne,
les deux regards restent soudés et leurs sourires expriment la joie.
En ce croisent tous deux se retournent pour garder le plus longtemps
possible ce flux magique.
Un scénariste n’aurait
pas résisté à l’envie de les faire revenir sur leurs pas pour
s’enlacer et partir main dans la main en courant et riant de
bonheur.
Ces quelques secondes
qui viennent de s’écouler raisonnent dans le cœur de Mat comme une
scène d’amour indélébile. Mat ne s’explique pas pourquoi, mais il
est certain que chaque foie qu’il pensera à cette étoile qu’il a
croisé, elle prendra la place aux cotés des femmes qui ont compté
dans sa vie.
Après ce moment
d’éternité Mat a besoin de redescendre sur terre. Il cherche dans sa
tête ce que peut bien signifier cette ondée d’ambroisie qu’il vient
de traverser.
Que leurs Âme se
connaissent n’est pas une explication suffisante pour lui, si
c’était le cas ils devraient se retrouver. Que la scène serve à
régler quelque chose dans son couple à elle est une autre
possibilité, mais pourquoi autant d’intensité ? Que se soit un coup
de foudre lui semble incongru, cette femme a de la classe, elle est
certainement issue d’un milieu intellectuel bourgeois, alors que lui
est un vagabond.
Mat cherche longtemps
avant de penser à comparer la scène avec l’Arcane du jour. Il faut
dire à sa décharge qu’une telle joie n’invite pas vraiment à prendre
du recul.
Dès qu’il recrée dans
son esprit l’image de l’Arcane, la réponse s’impose d’elle-même.
Les deux enfants, la
fratrie, l’image de la scène « main dans la main » ! Si il y a
retrouvaille depuis une autre vie, ils étaient vraisemblablement
frère et sœur, cela expliquerait la raison de ce comportement si
naturel, sans se cacher de son conjoint. La fratrie n’est pas (dans
la normalité) en concurrence dans les liens de couple.
Mat s’autorise à faire
une séance de psychanalyse en l’absence du sujet, mais il a vraiment
besoin de comprendre, et une telle séance n’engage de toute façon
que lui.
La phrase d’admiration
pour cet homme courageux nous ramène à l’archétype du père.
Cette femme a peut-être
reconnus dans les traits de Mat l’image de son père idéal, donc de
l’homme idéal. La mise hors jeu de son conjoint révèlerait la non
adéquation entre ce qu’elle attend de l’homme idéal et ce que lui
offre son compagnon. Si le couple était équilibré sur ce point, elle
aurait partagé ses impressions avec son partenaire ; partage du
genre « hé regarde le gars la bas ! C’est comme ça que
j’imaginais mon héro quand j’étais gamine……… »
Avec un petit travail
d’imagination, l’Archétype patriarcal est également présent dans ces
murs d’une époque ou la famille se construisait autour du père. La
fratrie prends également toute sa place tant la famille devait être
soudée pour perdurer. Et ce magnifique abbatial symbolise bien les
murs que l’on construit pour se protéger ainsi que sa maison.
C’est donc bien une
facette de l’Arcane du jour que Mat vient de vivre.
Le Bateleur
À l’arrivée au gîte,
qui est un centre équestre, Mat voit deux jeunes filles en stage
d’équitation. Elles respirent la jeunesse, l’avenir,
l’apprentissage, la fraîcheur etc… Mat vient de se rendre compte
qu’il a rencontré des jeunes filles durant toute la journée. Pas des
jeunes gens mais des jeunes filles. A par ces rencontres et ces
manifestations d’espérance et de vitalité, la journée fut totalement
inintéressante. Du goudron en permanence et des routes bruyantes où
chaque virage, carrefour oblige à être attentif à la circulation.
Il ne s’explique pas
pour quelle raison il ne rencontre que des jeunes filles, il n’est
pourtant pas un damoiseau, loin s’en faut ! Peut-être est-ce pour
souligner la présence du corps féminin sur l’Arcane du bateleur, et
même du sexe féminin, l’endroit où la vie commence !
Lorsqu’il entre dans le
gîte et qu’il rencontre la responsable, un mauvais ressentit le
traverse.
Il ne sait pas encore
pourquoi, mais il sait qu’il va expérimenter la part négative du
Bateleur.
Ce doit être à cause de
ce regard peu franc, elle regarde presque dans les yeux mais on ne
sait en réalité pas ou elle regarde. Ensuite elle analyse chaque
partie de la tenue de Mat. Ce n’est certainement pas à cause de
ladite tenue, car son allure à elle nous transporte directement dans
germinal ou les misérables.
Il ne tarde pas à en
avoir la confirmation de son impression. Les dortoirs sont sales,
les draps ne sont pas changés et on voit encore sur les lits les
plis laissés par le dormeur assit sur le bord du lit avant de se
lever. Les toilettes sont crasseuses et les douches ressemblent à
des écuries.
La région étant très
habitée, Mat n’a pas vraiment de solutions pour bivouaquer. Il n’y a
non plus aucun autre gîte ou camping avant deux heures de marche. La
soirée étant déjà bien avancée, il accepte de rester mais avec les
pieds contre le mur.
Il décide qu’il ne se
doucheras pas, ne mangera, ne se déshabillera pas pour dormir et
attendra la nuit pour aller se soulager contre le tas de fumier,
l’endroit apparaissant bien plus propre que les toilettes.
Une foi son paquetage
déposé, Mat se promène à l’extérieur espérant voir quelques chevaux
avec lesquels il pourrait avoir un échange, mais les enclos sont
vides. Il observe alors les lieux mais avec un oeil très critique.
La présence de plusieurs sulkys révèle l’appartenance des
propriétaires au milieu des courses. Il semble par contre qu’ils
soient des viennent ensuite, car on ne perçoit pas la magie de
l’excellence. On ne ressent pas cette chose imperceptible qui fait
que chaque choix est fait avec passion et pour le meilleur.
Tout semble médiocre,
au rabais, pas fini, comme si les gens du lieu étaient restés sur
une vieille gloire endormie ou un rêve non réalisé.
La nuit tombée, Mat se
rend dans les locaux communs. On y voit de multiples photos d’un
cheval et d’une driveuse. Des coupures de la presse régionale et des
coupes gagnées dans des compétitions locales datant de quelques
années ornent un bar jonché de bouteilles vides laissées là depuis
plusieurs jours. Un décalage existe entre les coupures de presse et
les bouteilles sur le bar. C’est comme si des gens venaient ici pour
se laisser aller car, ici personne ne viendrait les déranger.
Dans ce lieu, le temps
c’est arrêté après les gloires affichées, gloires d’il y a quelques
années. La raison de cet arrêt ne se voit pas, mais on ressent très
bien que le Bateleur a brillé de toute sa splendeur mais n’est pas
allé plus loin.
Pourquoi le Bateleur ?
Pour un détail de taille, la driveuse présente sur toutes les photos
venait d’obtenir sa licence quelques jours avant sa première
victoire, tous ses succès étaient d’autant plus sujets de fierté.
Alors que Mat est
l’unique pensionnaire, il y a très peux de pèlerins à cette période,
le propriétaire lui rends visite. Il vient lui expliquer qu’il a
beaucoup de chance d’avoir de la place sans réserver. Le patron
prétend que c’est la première fois depuis longtemps qu’il y a de la
place disponible.
Chacun raconte le
monde comme il le voit, mais le Bateleur inversé le raconte comme il
le rêve ; On pourrait même dire que ce n’est pas du mensonge,
puisque il désire tellement que ce soit vrai ! C’est d’ailleurs
souvent ce qui piège les personnes qui l’écoutent ; Ce bonimenteur
croit tellement à la réalité de ce qu’il raconte que dans son esprit
cela devient une vérité, à géométrie variable, mais une vérité tout
de même. Se sont les conditions extérieures qui changent et selon
ces changements le discourt peut s’adapter à volonté. Les meilleurs
menteurs sont ceux qui racontent leur vérité.
L’image est vraiment
désolante et Mat ressent presque de la pitié. L’homme a une alène
chargée d’un mélange bien connus des personnes fréquentant des
alcooliques, le mélange alcool - acétone. C’est tellement repoussant
que Mat éprouve une énorme peine à rester de face, il doit se
retourner pour prendre son souffle et le retient ensuite histoire de
regarder son interlocuteur. La respiration se fait ainsi par apnée
et le malaise imprègne la scène. Mal à l’aise, l’homme l’est
également, il doit en avoir l’habitude, sa gêne semble si bien
ancrée qu’il semble même marquer une halte à chaque foi que Mat
reprend son souffle, cela lui semble normal.
Crasse – Mensonge –
Absence d’émotion – Le paraître – Fanfaronnade – Regardes biaisés ;
quand le Bateleur est mal aspecté, le Diable n’est jamais loin.
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Giovanni David Valente Tout droit réservé
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