Avec le Mat à Compostelle
....Récit....

Chapitre III

En marche vers les étoiles

06h00 sonnent au clocher, cela fait déjà plus d’une heure que le Mat prépare et contrôle son paquetage.

Il se concentre, révise les derniers préparatifs et acquiert la conviction que tout est prêt.

Ayant un peu de temps devant lui, il s’accorde quelques minutes de relaxation, il peut maintenant prendre le temps de penser à lui, à son bien-être, à son Être, aux changements qui se préparent.

 Le nouveau pèlerin s’intériorise et prend conscience qu’il est en train de vivre son premier réveil dans sa peau de Mat ; il s’attarde même sur un jeu de mots comme il aimait beaucoup les faire lorsqu’il était encore Bateleur. Le « premier réveil » pourrait aussi bien dire « premier éveil » avec la liaison cela convient bien à l’instant présent.

Par contre, pour l’heure, il ne ressent pas la différence d’avec le temps du Bateleur, même que cela pourrait être frustrant : tout ce rituel, cette énergie, cette abnégation, ce renoncement à son identité de jeune premier, cet abandon de tous les avantages du débutant, tel le droit d’hésiter ou même de se tromper (dans une moindre mesure certes!), le Bateleur bénéficiait tout de même de bien des indulgences. Alors qu’en ce moment le Mat ressent plutôt une gêne et un grand inconfort à la pensée du temps à venir ; et cette sorte d’engourdissement, comme s’il portait un habit mal coupé. Aurait-il fait tout cela pour rien ? Est-il vraiment capable de vivre son propre chemin, de façon autonome ?

 Sa vie de Mat débute plutôt mal, se dit-il ; il lui semblait avoir entendu dire que le Mat vit l’esprit léger, qu’il fait les choses en fonction de ses propres buts, qu’il est imprégné d’un esprit de liberté que rien ne peut altérer ! Alors que pour l’instant, c’est l’expectative. Il porte sur lui la tenue du Mat, mais « l’habit ne fait pas le Mat ».

 Troublé par cette incertitude, le Mat se sent complètement déséquilibré, avec le sentiment d’avoir la tête en bas, l’envie lui prend de tout laisser tomber.

Personne ne l’attend alors qu’il part pour de longues semaines, donc durant plusieurs mois nul ne le recherchera ; les idées se font brouillonnes dans sa tête et un courant de lâcheté commence à l’envahir.

Pourquoi s’engager sur ce chemin ? Pourquoi ne pas aller là où bon lui semble ? Là où le porterait l’envie du moment ? Après tout, c’est peut-être ça la liberté tant clamée par ses prédécesseurs !

Cela suscite une question : est-il en train de devenir un vagabond libre de toutes formes de liens, ou porte-t-il en lui les qualités du pèlerin engagé, véritable ouvreur de chemin vers son élévation ?

Durant de longues minutes, avachi sur un sofa, le Mat s’interroge comme il ne pensait pas être capable de le faire. Après une petite intériorisation suivie de quelques mouvements d’assouplissement, il se redresse et se rend alors compte de la différence d’appréciation selon qu’il est renversé, couché ou debout prêt à avancer.

Lorsqu’il est étendu ou « renversé », c’est le désir de fuite ou de ne rien faire qui l’habite, alors que sur ses jambes le Mat ne voit que son chemin, son but ; dans la position debout il est mû par une énergie venue du fond de son Être comme le saumon est attiré par la source de la rivière qu’il remonte.

 Mat prend conscience de l’importance de l’événement qu’il est en train de vivre, c’est la première fois depuis très longtemps (quand il était Bateleur et avant) qu’il entreprend un acte aussi important en osant ne penser qu’à lui, à sa propre réalisation, à son salut.

 Le moment est idéal pour se centrer ; Il débute la journée qui marquera le passage entre deux vies ; le passage entre sa vie d’apprenti à la découverte du monde de la matière et ses règles sociétales, vie qu’il connut jusqu’ici, et la grande traversée vers l’épanouissement de son âme qu’il débute en ce moment.

Cette journée est celle durant laquelle il commencera à intégrer sa nouvelle condition de Mat.

 Quelle différence, quel changement depuis le Bateleur ? Depuis ses aventures de prime jeunesse ? À l’époque, la fièvre de la découverte le faisait dépasser n’importe quel obstacle, alors qu’en ce moment il est fébrile à l’idée de quitter le carcan de la sécurité pour une durée relativement longue.

 Soudain, il prend conscience de l’instabilité vers laquelle il est en train de s’engager, et celle-ci pourrait aussi bien se prolonger au-delà de son pèlerinage.

Il est sur le point de laisser son commerce derrière lui avec toutes les relations et l’organisation servant tout simplement à assurer un revenu.

Voilà qui est complètement déraisonnable, mais c’est plus fort que lui. Dès qu’il pense à son travail, dans sa mémoire resurgissent tous ces couacs et toutes ces tensions professionnelles du passé, ce qui alimente sa conviction qu’il doit agir pour que cela change.

En y pensant bien, ce qui est en train de se passer est tout à fait normal, on voit là une nouvelle transformation subie par le Mat.

En effet, le commerçant, l’émule de Mercure, c’est le Bateleur ; c’est lui qui recherche les contacts et les échanges pour évoluer en société. Que ce soit pour gagner sa vie ou pour acquérir son savoir.

Alors que pour lui, Le Mat, son but est de se réaliser par lui-même, se réaliser sans dépendre de qui que ce soit, donc aussi d’une clientèle. Quelle transformation rapide et radicale !

 Après ces quelques minutes de réflexion une idée semble s’imposer :

Maintenant je vais à la rencontre de mon Être, je vais parcourir mon propre chemin vers ma réalisation, sinon ma vie risque vraiment d’être ennuyeuse, se dit-il.

Et l’ennui ne fait pas vraiment partie de ce que le Mat peut imaginer pour son futur.

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**********
*****

Cette fois-ci c’est le départ, le Mat se sent prêt à prendre la route, prêt à se lancer sur le chemin qui le mènera vers sa propre découverte, vers la libération de son Être, vers sa réalisation suprême.

Pour marquer son départ, comme pour imprégner son futur chemin de toute l’énergie de l’instant, il décide de faire un tirage. Il tire trois lames dans un tirage prospectif (évolutif Passé-Présent-Futur) en posant la question suivante :

Que vas m’apporter ce pèlerinage ?

Le Tirage est :   

 

Passé

 

Présent

 

Futur

 

 

Réponse :

Voila qui est de bonne augure, la première constatation est le fait que le futur est justement représenté par la lame du Mat, et, en position droite ; pour le début d’un pèlerinage cela est plutôt rassurant, même si on ne sait pas encore ce que le Mat va découvrir.

 Le Chariot inversé au passé confirme l’immobilité vécue depuis un certain temps, ce Chariot démontre à quel point toutes les énergies pour aller de l’avant étaient présentes, mais non utilisées. Le travail ne manqua pas, le labeur fut même important mais apparemment quelque chose faisait défaut. Ce chariot inversé démontre l’absence de décision, la peur de faire le pas, les doutes quant aux diverses épreuves passées, doutes quant à la qualité des victoires remportées.

Dans cette position, le Chariot suggère que les décisions d’avancer n’ont pas été prises quand il le fallait, quand l’énergie du succès l’aurait porté loin sur son chemin d’évolution.

Les difficultés rencontrées sont dues à l’immobilité, alors que toutes les épreuves pour parvenir à une évolution concrète avaient été surmontées ; mais certainement que le courage, peut être la conviction, ont manqué pour avancer dans les faits et pas seulement dans les idées. Pour savoir comment palier à cette faiblesse, il pose une carte au dessus du chariot.

Cette carte est La Lune, elle indique qu’il faut maintenant écouter son intuition, sa sensibilité. Tous les signes sont visibles dans le ciel (autour de soi), La Lune renvoie le reflet des événements du quotidien, surtout ceux qui ne se voient pas directement. Alors il convient d’agir sans détour, en écoutant ses perceptions, sans trop réfléchir, mais en accueillant toutes ses émotions puis en les canalisant.

 L’Impératrice au présent nous indique de regarder l’avenir, de bien le réfléchir et le conceptualiser.

Elle indique de ne pas s’attarder sur les couacs du passé, même s’ils sont lourdement présents, il convient maintenant de se centrer en regardant le futur et se permettre de le réaliser.

 Comme dit plus haut, le Mat ouvre le chemin du pèlerin, il est donc sur la bonne voie et la lame lui confirme l’opportunité de son choix lorsqu’il décida de partir en quête de son Être véritable, de suivre le chemin de son Âme.

Il dit de suivre sa voie (peut-être même sa voix).

Pour avoir plus de précisions sur la direction à prendre, il pose une carte devant le Mat et c’est la Force qui se présente. Cela ne pouvait pas mieux tomber, avec la Force, le Mat se dirige vers sa force intérieure, la vérité qui est en lui, son authenticité, cette force immanente qui rend les gens solides et bons.

 Tirage complété

 

Passé

 

Présent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Futur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NB / le tirage présenté ci-dessus est inspiré du tirage Camoin, enseigné par Ph. Camoin.

Ce tirage donne au Mat une énergie incommensurable, il entame son chemin avec l’entrain de celui qui porte la réussite en lui, il est maintenant certain que le chemin lui apportera les réponses qu’il attend.

 Alors il décide de tirer la carte du jour, le tirage précédant parlant du pèlerinage dans son ensemble. C’est la Justice qui apparaît.

 Au premier abord, cela ne lui dit pas grand-chose, il pense en premier lieu aux lourdeurs de celle-ci, mais rapidement le Mat se ravise ; avec un si bon tirage le matin, on peut tout de même regarder les lames dans leurs meilleures aspects.

Il décide donc de laisser passer la journée et « voir venir ». Une seule chose compte pour l’instant, se lancer sur le chemin et sentir monter en lui la fièvre du voyage.

Son enthousiasme est tel qu’il ne se voit même pas charger son bagage, descendre les escaliers puis fermer la porte derrière lui.

Mat est maintenant dans la rue, devant sa porte qu’il vient de fermer à double tour, il réalise alors qu’il vient de quitter sa maison sans même opérer les derniers contrôles qu’il aurait certainement faits par le passé. Après une très, mais très brève hésitation, il se fait happer par la fièvre du départ et se laisse emporter par cet état de grâce qu’il ressent depuis qu’il a reçu du Tarot la confirmation d’être sur le bon chemin, « son chemin »

Mat se lance dans les rues de sa ville, le regard loin devant en direction de Compostelle, le visage radieux et le corps débordant de vitalité. La rue suit une légère pente en descente, ce qui, pour débuter, convient très bien.

En passant devant la pizzeria du coin il remarque les journaux déposés par le livreur et se dit que ceux-là, il ne les lira pas. Dès ce jour il ne veut plus rien savoir des mauvaises nouvelles distillées quotidiennement par ce marchand d’anxiété qu’est la presse quotidienne. Il a une pensée pour le pizzaïolo qui est un chouette type mais qui travaille beaucoup trop. Si c’était en son pouvoir, il lui proposerait volontiers de le suivre. Mais son voisin de pizzaïolo est enfermé dans son travail comme le Pendu dans ses ruminations, alors il ne peut que lui envoyer des pensées en espérant qu’il les reçoive avec douceur.

Continuant son chemin vers la sortie de la ville, il s’arrête dans un café pour humer une dernière fois les odeurs de la ville qui se réveille. Le café est bon, la serveuse jolie, son sourire est sincère, mais les clients du café ont tous l’air d’être figés sur leur place, comme s’ils étaient en train de singer l’attention qu’ils portent à leur voisin, à leur journal ou à la chaise face à eux.

Mat décide de s’imprégner de la vitalité exhalée par Marythé  (c’est la serveuse, son prénom est écrit sur son badge). Elle arbore une longue chevelure noire ondulée, sa peau claire est très délicatement hâlée, juste ce qu’il faut pour refléter la bonne santé et le soleil. Les yeux sont espiègles, le regard précis, le nez discret mais un très léger renflement sur sa pointe trahit une bonne vivante.

Son habillement est difficilement descriptible, elle est très garçon dans le choix de ses habits : manches de chemise retroussées, doubles coutures sur les jeans et ceinturon pourraient la desservir. Hors, il n’en est rien, bien au contraire, malgré tous ces attributs masculins, Marythé rayonne d’une féminité sans égale.

Mat la regarde, la respire et s’en imprègne en se disant que c’est bon de savoir que ça existe, c’est bon de découvrir des Êtres humainement lumineux, sans intellectualiser, sans ésotériser, sans reflet de new age, simplement en étant humain et vivant.

 Il est relativement tôt le matin, surtout pour les jeunes comme Marythé qui sont le plus souvent encore endormis à ces heures (même ceux qui sont déjà levés !). Alors qu’elle, certainement debout depuis un long moment, respire la joie de vivre et la satisfaction que lui procure son travail. Mat et Marythé croisent des regards complices, des regards dénués de désir, mais emplis de bonnes pensées l’un pour l’autre. Ces bonnes vibrations que l’on peut offrir à tout un chacun, seulement en lui rendant le plaisir de son sourir.

Chacun d’eux sait pertinemment qu’ils ne se reverront certainement jamais, chacun sait que déjà au cours de la journée il n’existera plus pour l’autre. Pourtant, ce moment est totalement magique tant la reconnaissance que chacun reçoit de l’autre devient un geste d’amour, amour de la vie, amour du prochain, amour universel.

En comparaison à la pétillante Marythé, le contraste est flagrant avec les zombies que sont les clients. Mat se dit même que c’est presque affligeant de voir à quel point les gens ne voient plus, ni ce qui les entoure, ni les individus qu’ils côtoient, tous sont enfermés dans leur bulle mentale sans même apercevoir la portion de paradis qui scintille devant leurs yeux.  

Peu importe ! Pour Mat, cette rencontre est le présage d’un pèlerinage riche en échanges et en émotions à venir.

Égaillé par ce bel intermède, Mat reprend son chemin avec encore plus d’entrain. Il rayonne tellement qu’il semble scintiller au milieu de cette population triste se rendant au travail avec la grisaille dans le cœur.

Passant devant la vitrine d’une agence de voyages, Mat remarque son propre reflet.

L’élan suggéré par sa silhouette lui fait penser au marcheur d’une certaine marque de whisky. Il s’en amuse et revient même sur ses pas pour bien l’observer.

Son œil amusé et critique s’arrête immédiatement sur sa coiffe, il ne manque alors pas de se féliciter de porter un couvre-chef autrement plus sympathique que le haut de forme de ce marcheur pressé (celui du whisky). Forçant le profil, il avance sa jambe droite, bombe le torse tout en avançant son bras et sa main droite avec laquelle il tient son bourdon.

L’image est plaisante et il commence à apprivoiser ce nouveau personnage dans lequel il découvre de nouvelles sensations. Il est assez surpris de ressentir des désirs, des élans intérieurs, qu’il pensait antinomiques comme liberté et détermination, légèreté et hardiesse, ou encore amusement et résolution.

Poussant le jeu encore plus loin, Mat effectue le mouvement du « Moon Walker » cher à Mickael Jackson. La vision de ce pas qui avance sans se déplacer est amusante, mais les sensations sont extraordinaires, c’est comme si on pouvait marcher sans fin dans un monde sans limites.

 Alors c’est ça ma nouvelle vie ! Se dit-il en appréciant cette image fantastique. Je ne connais pas encore les expériences que je rencontrerai, mais je suis déjà certain que c’est plein de hardiesse que j’atteindrai Santiago et le Cap Finistère.

Avant de reprendre son chemin, Mat a une pensée pour Marythé qui se serait certainement beaucoup amusée de ce discret spectacle d’auto exhibition.

Eh hop ! Pour le plaisir, il refait encore quelques pas avec une légèreté enivrante, puis il reprend un pas normal et disparaît du reflet de cette vitrine.

 Durant toute la journée, Mat a marché la lumière dans le cœur et le cœur dans les étoiles. L’énergie procurée par les rencontres et les amusements de ce matin est telle qu’il pourrait marcher encore bien des heures. Mais qui veut marcher loin ménage sa monture, donc, en cette fin d’après-midi, il décide de s’arrêter dans la première pension accueillante. C’est une maison discrète, légèrement en retrait du chemin, adossée à l’église du village.

Mat aime la proximité des lieux saints bien qu’il ne les fréquente pourtant pas le plus assidûment qui soit ! Mais comme il porte le Divin en lui, il est sa propre église !. Son Temple est son corps comme ses pensées sont ses prières. Cependant, avec la proximité d’une église, son esprit est encore plus inspiré du Divin.

 Il reçoit la chambre 14 et comme un fait exprès, le chiffre sur la porte est écrit en Chiffre Romain ésotérique, XIIII. Bien entendu que cela lui fait penser à Tempérance, mais que vient-elle faire ici ?

Après s’être douché, sans même réfléchir, Mat s’installe sur la table de la chambre et reconstitue la photo de famille avec le jeu de Tarot qu’il a emporté. Il met en place le mandala des 3 plans, le 3 × 7, puis il s’abandonne à cette vision d’un monde autant parfait qu’imparfait. Chacun est à sa place, chacun remplit son rôle sans esquive ni tentative de putsch. Même le Diable, pourtant le grand contradicteur, semble heureux de jouer son rôle.

Quel est donc ce message de la journée ? Le quatorze écrit en chiffres romains ésotériques ne peut être ignoré !

Il ne faut pas longtemps avant que la réponse lui apparaisse comme une évidence : la journée a débuté par la lame VIII, La Justice, la première lame du plan intermédiaire, le plan du mental ; alors qu’elle se termine sur Tempérance, la dernière lame du plan intermédiaire. Cela signifie que durant cette journée les derniers défis du mental ont été dépassés et l’ouverture peut maintenant se faire dans le domaine de la spiritualité, le plan céleste. Beau clin d’œil pour débuter son chemin, Mat apprécie et entre dans sa nuit en toute sérénité.

 

La Maison Dieu

Cette 2ème journée, Mat la débute en participant à la messe. L’office est simple, presque ennuyeux, le prêtre semble accablé par sa tâche, la lecture des textes, bien que très courte, paraît interminable pour le prêtre qui pourrait s’endormir à chaque ligne.

Est-ce la faute à pas de chance ou le reflet de la réalité ? Mais pour une fois que Mat entre dans le moule sociétal, il faut bien reconnaître que le spectacle offert n’est pas des plus engageants !

Cette absence de foi dans la voix du prélat conforte Mat dans sa conviction que le Divin est en soi, et l’Être est son église. La voix intérieure, sa propre vibration est vivante elle ; et Dieu est Vie.

Devant si peu de conviction, Mat observe les lieux en admirant leur magnificence, il y cherche les signes qui lui confirmeront être bien imprégné de son pèlerinage. Ceux-ci ne se font pas attendre, Mat compte 17 pèlerins participant à l’office, le nombre de L’Étoile et donc de Compostelle.

Bonjour toi ! dit Mat tout bas en s’adressant à l’esprit de l’Étoile présent dans les lieus, à son Ariane, on se verra bientôt !

Agaillardi par ce clin d’œil, il prend le chemin avec encore plus d’énergie que la veille, il sent au fond de lui-même que ce chemin sera une rencontre divine.

Après quelques kilomètres de marche, il s’arrête pour tirer une carte ; c’est maintenant le moment idéal pour recevoir ce que le Tarot peut lui suggérer pour cette journée.

C’est La Maison-Dieu qui apparaît, noble, dressée comme un pinacle au sommet des montagnes que le Mat doit dépasser aujourd’hui.

Cela tombe plutôt bien, après la journée d’hier qui indiqua le dépassement de plan du mental, elle en exprime la libération. Ici la Maison-Dieu indique une mise à plat pour débuter la marche, on rase tout pour reconstruire. Tous les engrammes doivent maintenant être transformés en poussière pour ensuite constituer le ciment d’une construction nouvelle.

Mat imagine l’alchimiste devant son athanor prêt à initier son rituel de transformation. Les bagages intellectuels, émotionnels et spirituels vont être introduits dans l’âtre pour en ressortir transformés comme le mélange de matières premières est transformé par le feu de l’alchimiste.

 Ayant repris sa marche, Mat ne peut s’empêcher de penser à Prométhée dont le mythe habite la Maison-Dieu. Prométhée fut tout de même puni par Zeus pour avoir dérobé le feu divin afin de le donner aux hommes. Non seulement la punition est un supplice atroce, mais il est perpétuel puisque les tissus du foie dévorés durant la journée, se reconstituent chaque nuit.

Un sentiment de gêne effleure Mat qui durant un instant se pose quelques questions sur sa vie.
- Peut-être a-t-il tenté de donner aux humains ce que les dieux se réservent ?
- Peut-être s’est-il octroyé des prérogatives réservées aux dieux ?
- Peut-être a-t-il suivi un mauvais chemin pour accéder à un ésotérisme auquel il n’était pas préparé ?

En se posant toutes ces questions sur Prométhée et la confrontation entre l’humain et le Divin, un mot lui vient à l’esprit : « Conséquence ».

C’est le mot qui convient le mieux à La Maison-Dieu ! Se dit-il. C’est un code ou un message qui lui appartient entièrement, et quel message !

Si, sur le Mandala, la Maison-Dieu se place après le Diable, cela veut dire qu’elle représente la conséquence du passage par le Diable, elle agit en fonction de la manière dont on a géré les tentations du Diable.

Bien sûr que les conséquences insinuées ici ne sont pas aussi redoutables et puissantes que le suggère l’Arcane, et les récompenses, s’il y en a, peuvent aussi être moindres mais fort appréciées.

Récompenses car, c’est certainement le mot pouvant le mieux s’opposer à la notion de conséquences. Conséquence et récompense sont toutes deux le résultat d’une action ou non action, d’un choix et toute autre action supposant le libre arbitre et l’autodétermination, à quelque niveau que ce soit.

Après 16 Km de montée avec 17 Kg de bagages sur le dos, le mot conséquence prend toute sa dimension. Oui, les bagages sont beaucoup trop lourds et cela est la conséquence de n’avoir pas fait de vrais choix dans leur préparation. Mat a voulu garder la liberté de dormir où et quand il le veut, sans devoir faire de réservation, ce qui implique une tente et le matériel pour bivouaquer. Il a également gardé tout son matériel d’écriture et plusieurs habits et effets dont il n’aime pas se séparer. Donc la conséquence est : un bagage très lourd.

La suite du pèlerinage lui dira s’il s’agit en réalité de conséquence ou de récompense. S’il devait abandonner parce que trop lourdement chargé, cela serait une conséquence, alors que s’il parvient à se surpasser il y aura certainement une récompense qu’il ne connaît pas encore, mais il y en aura une.

Pour l’instant Mat est confronté à un bagage excessivement lourd et un chemin qui continue à monter ; La conséquence en est pour l’instant des souffrances et des nuages noirs dans la tête. La journée se terminera d’ailleurs par un orage qu’il aurait pu éviter s’il avait marché plus vite, ce que lui aurait certainement permis un bagage plus léger : conséquence !

 Le plus fort de la journée reste encore à découvrir, Mat avait pour projet de s’arrêter dans un gîte familial pour la nuit, mais celui-ci est fermé pour cause de deuil. Sur ce coup, La Maison-Dieu ne montre pas ses plus beaux aspects et Mat se recueille un petit instant, car cette famille, il l’avait rencontrée l’année précédente, et cela le touche de savoir qu’elle vit un drame. Il se souvient d’un des membres de cette famille que l’alcool accompagnait de trop près ; peut-être ce drame est-il la conséquence de ces excès ? Mais le Mat ne restent pas longtemps dans la compassion, le mouvement est son moteur. Pas de lit ni de douche après une journée exténuante, cela passe plutôt mal, et tous les autres gîtes de l’endroit sont complets.

Après une longue pause où Mat continue à découvrir des mauvaises nouvelles, il n’a plus vraiment la force de repartir, donc il erre en cherchant des solutions.

Passant devant un établissement public avec la télévision allumée, il apprend la mort de Michael Jackson. Un certain frisson le parcourt en apprenant que celle-ci remonte à une heure assez proche de son « On Man Show » d’hier lorsqu’il imitait le Moon Walker. Décidément, les bouleversements de La Maison-Dieu continuent à opérer, car avec cette mort, c’est une page particulièrement chargée qui se tourne. Mais il décide de ne pas disserter sur le sujet, cet homme était très malheureux et cette annonce résonne en lui comme une libération.

La vie continue, persévérant dans ses recherches d’une solution pour la nuit, on finit même par lui proposer de monter son bivouac dans le pré voisin. Nul ne sait pour quelle raison ni par quelle force cela se produit, mais Mat décide tout de même de rejoindre le prochain village se situant pourtant à 7 Km.

Plus tard dans la soirée, alors qu’il a installé son bivouac à proximité du village, il flâne dans le bourg pour se détendre ; c’est alors qu’il comprend la raison pour laquelle son intuition lui fit continuer sa route pour aboutir ici.

Au centre du village, se dresse un panneau d’information qu’il n’aurait jamais lu s’il avait traversé le village durant la journée.

Ce panneau relate les méfaits d’un certain « De Bouchard », seigneur des lieux à la fin du XVII siècle.

Il s’agissait d’un gredin malfaisant ne connaissant aucune limite à ses exactions. Il s’acoquina même avec des brigands auxquels il accorda refuge.

Sans entrer ici dans les détails sordides et le nombre de ses méfaits, Mat retient que celui-ci alla même jusqu’à tendre un guet-apens à des nobles d’une contrée voisine et les trucida avec l’aide de ses amis brigands. À la lecture de ces lignes, Mat voit l’image du Diable et sa facilité à manipuler des êtres vils. Continuant sa lecture, il apprend que ces faits valurent au seigneur d’être condamné à l’exil dans un premier temps, puis n’ayant pas respecté l’exil et commis d’autres forfaits toujours plus odieux, il fut condamné à mort. Rien n’y fit, il parvint à s’évader et disparut pour toujours.

La conséquence fut malheureusement supportée par sa descendance car, son château fut démoli et tous les frais furent à la charge de ses héritiers.

L’histoire peut aller encore plus loin dans sa descendance : son fils eut une vie rangée bien tranquille, par contre son petit-fils mena une vie aussi malfaisante que celle de son grand-père.

Celui-ci ne réussit toutefois pas à échapper à la colère populaire et fut déchu puis condamné et exécuté durant la Révolution.

La conséquence ! En voici une double représentation. Tous ces forfaits ne furent pas vraiment expiés avec la fuite du seigneur De Bouchard et la graine germa à nouveau, le petit fils a donc payé pour ses crimes certes, mais aussi pour ceux de son grand-père.

Ceci aussi pour rappeler que la justice divine ne connaît pas le temps, elle peut attendre l’éternité, mais le jour où elle se présente, la sentence est sans appel.

 Après toutes ces représentations lourdes de La Maison-Dieu, Mat a besoin de s’alléger. Il ne veut pas rester sur une vision aussi négative de l’Arcane XVI. Après un bilan de la journée, Mat décrète qu’il a bien mérité une récompense pour cette journée particulièrement chargée en tout : kilomètres, bagages, émotions, montée, messages etc…

Il décide donc de faire la fête en l’honneur de la Maison-Dieu et pour son plaisir à lui. Restaurant, vin et dessert sont au programme du soir avant une nuit de sommeil bien méritée.

  

Le Soleil

En quittant son bivouac le lendemain matin, Mat a oublié de tirer la carte du jour. Il faut dire que la nuit fut mouvementée ; pas moins de trois orages d’une violence surprenante avec de très vilaines conséquences sur le matériel et la suite du pèlerinage. Ces trois orages ont eu raison des appareils de communication : plus de téléphone ni de radio, l’eau et l’humidité ont eu raison d’eux. C’est encore une fois les conséquences : conséquences fâcheuses pour ne pas avoir testé l’étanchéité du bivouac dans des conditions extrêmes. Le prix, le peu de poids et le peu d’encombrement étaient attractifs, la toile semblait de bonne qualité, le vendeur garantissait une étanchéité à toutes épreuves, donc Mat a agi avec sa confiance habituelle. Il vient d’apprendre, à ses dépends, que les règles de la société réelle ne sont pas les mêmes que celles humanisantes des êtres comme lui. Mat se rend compte que son authenticité le place en décalage par rapport à la société, et quand on le traite de Fou, il se dit que dans la situation présente on pourrait bien le traiter de naïf. Qu’importe ! Il paraît qu’au royaume des cieux les derniers seront les premiers, alors s’il faut en passer par là pour y parvenir, plutôt dix fois qu’une !

Ce petit couac permet également d’avoir la confirmation de l’horaire solaire lorsque l’on fait un travail journalier.

En effet, on pourrait penser que lorsqu’une journée est habitée par une certaine énergie, celle-ci n’opère que jusqu’au coucher du Soleil ou éventuellement de 0h à minuit.

Hors, pour ce qui concerne l’action ou la vie active, la couverture se fait du lever au coucher de l’individu, même après minuit.

Pour le domaine énergétique, les influences impalpables, la couverture horaire se fait du lever du jour jusqu’au lever suivant.

La couverture peut également débuter à l’instant de la pige de la carte du jour, mais elle se prolongera dans tous les cas jusqu’au lever suivant.

Ceci explique la raison des conséquences vécues la nuit précédente jusqu’au petit matin, alors que La Maison-Dieu était la carte de la veille.

 Après quelques kilomètres de piste, Mat passe devant un monument comme il en rencontrera encore beaucoup, les trois croix du Golgotha. Mais celles-ci sont particulières, elles donnent l’impression d’avoir une influence basque. Nous sommes dans le massif central et pourtant ces croix nous transportent au pied des Pyrénées occidentales.

Mat adore les signes et les clins d’œil, et comme le pays basque est sur le parcours de son pèlerinage, il se dit que c’est le moment idéal pour tirer la carte du jour ; elle lui donnera peut-être l’ambiance du Pays Basque. Pour ne rien gâcher, une table en pierre au pied de ces croix semble n’attendre que les pèlerins.

Il se rends compte a cet instant qu’il a oublié de tirer la carte du jour.

Il se pose donc et après une petite intériorisation en pensant à tous les gens ayant prié en ce lieu, il pige la carte du jour.

Le Soleil est tiré comme carte du jour, cela tombe vraiment bien car il perse justement la brume matinale laissée par cette nuit pour le moins humide, ainsi il pourra sécher le chemin et les habits, rendant la journée d’autant plus agréable.

 Comme Mat commence à en prendre l’habitude, il joue à chercher les signes et autres phénomènes de synchronocité qui l’entourent. Il joue vraiment car ça l’amuse d’observer ce monde parallèle vivant à son rythme, selon ses propres valeurs et sensibilités. Heureusement que cela l’amuse, car si ce n’était pas le cas, il ne le ferait pas et nous serions privés de ses histoires. Nous le savons, la prise de tête ne fait pas partie de son fonctionnement.

 Comme toujours, Mat ne tarde pas à trouver une raison à l’oubli de la carte du jour.

Ce matin, en débutant sa journée, il passa à proximité d’une scène assez caricaturale pour s’en souvenir.

Une équipe de 4 jeunes hommes montait le chapiteau qui abriterait la fête prévue pour le soir même. Les égos de ces jeunes gens étaient si surdimensionnés que chaque mot prononcé roulait comme le grondement du tonnerre lorsque celui-ci s’éloigne.

Mat assista à un concerto à 4 voix où chacun y allait de ses « moi-je » en tentant gauchement de se différencier des 3 autres et même du monde entier.

Entre rimes douteuses et plaisanteries paillardes, l’idée de la fête commençait à s’installer et plutôt que des humains, des coqs auraient admirablement bien tenu les rôles de la scène qui se jouait à cet instant.

Bien entendu que Le Soleil n’aurait pas été à sa place dans une telle ambiance. Bien qu’elle fût sympathique, cette représentation ressemblait à un quatuor de Bateleurs, tantôt dans la note, tantôt en train de se redresser. Leur vanité était telle que l’on pouvait très bien imaginer Le Diable dans la peau du producteur de la pièce et observant la scène avec délectation, tant ces égos en goguette étaient proche de la vulgarité, de l’emballement, prêts à verser dans l’orgueil et la prise de pouvoir, domaines dans lesquels Le Diable les y attend avec son sourire de ravissement que nous lui connaissons.

En s’éloignant de la scène Mat ne pouvait s’empêcher de rire de lui-même lorsqu’il était encore Bateleur et qu’il jouait avec autant de conviction, peut-être même plus, des scènes similaires à celle-ci ; que de chemin depuis ces temps reculés !

 

La journée est plutôt agréable, le chemin est très accidenté, mais Mat le parcours avec facilité, comme si un guide invisible, à moins qu’il soit solaire, lui indiquait les passages les plus aisés pour avancer. L’image de l’enfant aidé en traversant la rivière pour atteindre l’île blanche du Soleil correspond parfaitement à ce que Mat ressent.

 Il est aussi éberlué de la facilité avec laquelle il avance sur ce chemin. Plus tard dans la journée, il rencontra une autre scène qui, dans un courant animiste, pouvait parfaitement correspondre à l’Arcane du Soleil.

Un couple de retraités fait le chemin avec un âne, l’image est magnifique, ils ont une attention prodigieuse l’un envers l’autre, il émane d’eux une chaleur humaine pouvant vous réconcilier avec la terre entière !

Lorsque Mat les rencontre, ils font une petite pause et une discussion sympathique s’engage en échangeant leurs expériences, leurs buts, leurs espérances et même leurs impressions sur l’état d’esprit de l’âne. Une bête admirable qui donnait à ses maîtres autant d’amour qu’il en recevait, et il y en avait vraiment beaucoup ! Le petit coup de tête, un petit renifle par-ci, un petit toucher de lèvres par-là, des regards pouvant faire fondre n’importe quel aigri qui se trouverait en face. Une harmonie parfaite règne entre ces créatures de bonne volonté s’aidant mutuellement. Le Mat rêve un instant avant que tout ce monde reprenne le Chemin.

Comme un dernier cadeau, Mat a le bonheur d’observer ces gens et leur âne se déplaçant sur le bord de la route ; un enfant unique n’aurait sans doute pas été mieux protégé. L’homme marchait devant en suivant la surface du sol présentant le moins d’irrégularités, alors que la femme suivait le duo en tenant un drapeau fluorescent au bout de son bras gauche tendu vers la route pour tenir à distance les éventuelles véhicules qui les dépasseraient. Sur cette scène Mat leur souhaite bon chemin et accélère le pas pour retrouver son rythme et sa solitude. C’est agréable de marcher seul, même s’il est tout aussi agréable de rencontrer du monde, d’échanger et éventuellement de s’entraider. Le Soleil est également toujours le bienvenu, mais de se retrouver soi-même reste prioritaire, surtout lorsque l’on s’appelle Le Mat.

 

 

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