Avec le Mat à Compostelle
....Récit....

Préambule

Pour débuter, je tiens à préciser que les faits rapportés sont réels et correspondent à ma relation aux Arcanes durant cette période de mon évolution.
J'ai éprouvé le besoin d'écrire cette expérience car, en qualité de Tarologue je me doit de partager mes expériences avec mes élèves, mais aussi avec toute personne intéressée par le Tarot et sa richesse. Je me dois, mais j'y éprouve aussi énormément de plaisir car, une passion ça se partage....

La découverte de St-Roch, dans les lignes qui suivent, fut une véritable révélation qui révolutionna ma perception du Mat que je chérissais pourtant déjà auparavant.

Si le ton est romancé, ce n’est que pour rendre le plus fidèlement possible les émotions ainsi que les ambiances.

Je demande d’ailleurs l’indulgence des lecteurs chevronnés, car mon style n’est certainement pas de la littérature, mais je parle avec mon cœur et pour moi c’est le plus important. 

 

La révélation 

Le soleil est au zénith, la rue traversant cette bourgade de l’Aveyron est déserte. Sur le perron d’une maison villageoise un chat roux et blanc se prélasse dans une telle langueur qu’à sa vue mes muscles s’engourdissent, réclament un repos bien mérité.

Des fenêtres des cuisines et autres salles à manger me parviennent des bruits de vaisselle accompagnant comme un décor sonore des bribes de conversations ordinaires de repas en famille. Je ralentis le pas et me repose en imaginant les scènes et surtout en humant les fragrances de la cuisine locale.

La destination de la marche de cette matinée est proche, quelques centaines de mètres. Bien qu’encore invisible, il ne fait aucun doute qu’elle est là, à portée de souffle, elle irise le village entier de sa séculaire bienveillance. A cet instant je ressens la puissance de la pensée collective, l’inaltérabilité de la foi et des pensées de guérison et d’espoir que les pèlerins ont engendrés depuis près de 1000 ans qu’existe le pèlerinage de St Jacques. Avec le nombre de fidèles ayant parcouru cette route dans le même but, l’égrégore de Compostelle est si puissant que nul n’est besoin de baliser l’approche du sanctuaire de celui qui, depuis quelques jours, attire toute mon attention.

La Chapelle Saint-Roch ; depuis le début de mon voyage entre Loire et Aveyron, je ne cesse de le rencontrer partout, de multiples chapelles portaient déjà son nom et sa statue est devenue incontournable. Il se présente dans toutes les tenues pèlerines possibles, à toutes les époques, remontant de nos jours jusqu’au moyen âge, avec pour dénominateurs communs ; le chien, la blessure, l’ange, le bâton de pèlerin et les grelots sur le chapeau. Grelots qui ne sont autres que les coquilles St Jacques que les pèlerins arborent en guise de signe de ralliement.

Pourtant je dois bien l’avouer, jusqu’à ce jour, Saint-Roch ne faisait pas vraiment partie de ma connaissance. Avant mon voyage, son nom n’évoquait chez moi que le nom d’un petit quartier de ma ville, sans que je n’aie même jamais fait le lien avec un Saint de l’église chrétienne, le nom de Saint-Roch n’était qu’un lieu dit, une chapelle certes ! Mais aucune connaissance ni de son histoire, ni de son action.

Je continue à progresser sur cette route villageoise, certain qu’enfin je vais comprendre la raison de l’omniprésence de St Roch d’une part, mais surtout la cause de mon irrésistible attirance vers les chemins de St Jacques.

Je parviens maintenant à ce que je suppose être le centre du bourg, du moins son cœur.

La route marque un léger élargissement et j’entrevois ce qui pourrait être une placette, à ce moment je sais que je suis arrivé, car une place si discrète et si harmonieuse sied parfaitement comme esplanade à un saint édifice.

Effectivement, j’ouvre mon regard sur ma droite et là, ma vision rencontre immédiatement la pierre rouge, ferreuse dans laquelle est construit l’objet de ma randonnée du jour.

De si près, la chapelle St Roch de Decazeville est nettement plus discrète qu’elle ne paraissait vue depuis le bas de la colline. Je m’attendais à découvrir un édifice impressionnant, que ce soit dans ses lignes ou par son assise, en fait, c’est une construction modeste, belle certes, mais parfaitement homogène. Elle semble avoir grandi avec le reste du village et si elle est sans nul doute la plus belle construction du bourg, elle ne le domine en rien, elle rayonne tout simplement de cette aura que connaissent les beaux objets, regardés et aimés de tous.

Sans le savoir, j’étais en train de faire ma première expérience de l’esprit de Saint Roch, un rayonnement nettement au-delà des apparences, une modestie imprégnée de vérité et d’authenticité que l’on ne peut que s’approprier la paix qui s’en dégage.

La porte est ouverte, ce qui me plait grandement. Voila comment devraient être toutes les églises du monde, me dis-je, une grande porte ouverte à toutes les âmes qui désirent y entrer.

Je m’approche discrètement du porche, certain de découvrir quelqu’un en train de se recueillir. Cela je le fais sans même y réfléchir, ça résonne en moi comme une évidence, il y a obligatoirement quelqu’un à l’intérieur et je ne voudrais pas le déranger.

Pourtant, j’ai beau promener mon regard en m’arrêtant sur chaque détail, il n’y a personne d’autre que moi et cette présence incorporelle, qui sans aucun doute doit émaner de l’esprit de Saint-Roch, qui habite ce lieu.

 Il règne à l’intérieur une fraîcheur telle que même la plus perdue des âmes ne peut que se sentir sanctifiée, un très léger son de glissement indique ma présence et par réflexe de discrétion je tente de faire le moins de bruit possible.

Ce retour sonore paraît matérialiser la relation au divin, c’est comme si cela démontrait que tout acte ou parole reçoit inévitablement un écho, celui-ci nous parvenant en retour quel que soit son timbre et son intensité. Je crois que c’est ni plus ni moins que l’élémentaire manifestation de sa propre existence.

 Les souvenirs de mon enfance me reviennent, ceux de l’époque où j’étais servant de messe, je retrouve les odeurs, les sons, les éclairages, même les couleurs et le bois des bancs me rappellent cette époque bénie où la vie se conjuguait à l’infini. Pourtant, il y a dans l’air quelque chose de différent, une onde, une tension qui n’existait pas à l’époque, tout y est mais avec l’intensité en plus.

Après un moment de recueillement et de réflexion je comprends enfin cette différence, comme une lapalissade elle se dévoile à mon esprit dans le plus large des sourires.

Bien sur, c’est évident ! L’innocence de l’enfant le rend divin et comblé, alors que maintenant je cherche quelque chose, j’attends quelque chose de ma démarche et mon expérience de vie associée à mon intention du moment font que je suis prêt à recevoir ce que l’esprit de ce Saint lieu est censé me donner. Cette intensité qu’enfant je ne pouvais percevoir, cette évidence est maintenant présente et je suis ouvert à cette nouvelle expérience ; Recevoir, comprendre, et vivre les messages de vie transmis par les Êtres éclairés et les Saints qui ont imprégné les civilisations de leur sagesse et de leur propre initiation.

 Je regarde la statue de Saint-Roch droit dans les yeux, je l’observe avec acuité, je cherche le message qu’elle veut transmettre, la vérité qui en résulte, et pourtant rien ne transparaît. Un sentiment de gène m’envahit et je doute à cet instant de ma capacité à comprendre ce qui n’est pas écrit avec des mots.

Je me dis que peut-être je me trompe lorsque je prétends que la grandeur de l’Être est proportionnelle à son authenticité et non à son intelligence. Je commence à douter de moi et de mon discernement, je pense en ce moment que mon intellect est bien limité. Je me dis même que c’est navrant d’arriver au stade de la vie où l’on ne parle plus de « fleur de l’âge », mais plutôt de fruits, même avec les plus beaux qualificatifs ; d’arriver à ce stade et se retrouver bêtement dans le vide intellectuel devant une statue qui pourtant s’adresse à tout le monde sans limites de compréhension, oui c’est difficile !

Alors après quelques bonnes respirations, une petite gymnastique mentale destinée à me détendre, je lâche prise et je fais consciemment une chose que depuis toujours je fais inconsciemment, je ferme les yeux et je respire pour mieux me centrer, mieux ressentir, laisser une autre vision prendre place.

 C’est là, après une longue attente, que les messages ont commencé à fuser ; Comme des clés, les images défilent dans ma tête et à l’instar d’une cueillette miraculeuse je remplis mon panier, message après message, il n’y a qu’à laisser faire et cueillir chaque fruit mûre.

Fermer les yeux pour mieux voir ! Si simple et si vrai, fermer les yeux pour donner vie à cette statue sculptée avec bien trop de précision et de détails pour qu’elle puisse me parler avec mes mots.

Puisque c’est le propos de ces récits, je fais aussi le lien entre la consultation, la lecture du Tarot et le fait de fermer les yeux. Je pensais le faire pour me concentrer et m’isoler, en réalité le geste de fermer les yeux permet de mieux lire les codes du Tarot, de mieux voir ce que le tirage nous révèle.

« Ferme les yeux et vois ! », voila une induction dont je me souviendrai. 

Parmi toutes ces images, je vois un grand nombre de pèlerins, tant contemporains que moyenâgeux, je pense à toutes les légendes attachées au pèlerinage de Saint-Jacques, je commence à me demander si vraiment Saint-Jacques n’est jamais passé par ce chemin, je retiens la ressemblance physique et vestimentaire, mais invraisemblable, entre les statues de Saint-Roch et celles de Saint-Jacques, toutes ces images tourbillonnent dans ma tête jusqu’à ce que le Mat fasse son apparition. Eh oui ! Le Mat de mon Tarot de Marseille, celui dessiné par Nicolas Convers en 1760, qui lui-même reproduisait le Mat dessiné depuis le moyen âge.

Soudain toutes ces images commencent à s’entremêler, le Mat ressemble à Saint-Roch, à moins que ce ne soit Saint-Roch qui joue à prendre la position du marcheur adoptée par le Mat etc… Ils s’entremêlent, se croisent et se remplacent jusqu’à ne faire qu’un unique personnage porteur des attributs de chacun d’eux.

C’est ce moment et cette image qui ont totalement changé ma perception du Mat. Ma vision a complètement chaviré mon esprit alors que je vois devant moi un personnage dont je ne peux savoir s’il est Le Mat ou Saint-Roch.

Les deux sont inséparables de leur chien, les deux ont une blessure à la jambe, les deux portent un chapeau de forme bizarre décoré de grelots, les deux sont barbus, les deux regardent au dessus du monde et ils sont pèlerins tous les deux.

Seule une différence est à relever, Saint-Roch est accompagné d’un ange qui n’apparaît pas dans l’Arcane du Mat. Je me dis alors que l’ange est la voix intérieure que le Mat écoute et suit sans une once d’hésitation. Il a intégré l’ange qui fait maintenant partie de lui.

 Après un long recueillement je me lève et commence à observer mon environnement avec un regard différent que je ne me connaissais pas encore. Je remarque alors des panneaux d’affichage installés à l’intérieur de la chapelle et que je n’avais pas vus précédemment. Ils sont posés là, comme des assemblages de fortune réalisés avec des budgets restreints. Je m’en approche pour les découvrir car, il s’en dégage cette magnifique énergie des amateurs, mais des amateurs dans le vrai sens tu terme. « Amateur de Amator, celui qui aime ».

Je ne suis pas déçu par ce que je découvre, bien au contraire. Il s’agit là de la présentation d’une pièce de théâtre jouée par les écoles de la région et parlant de la vie de Saint-Roch. Je me rends compte que ce Saint, que je ne connaissais pas, fait partie des héros de la région ! Un véritable culte lui est voué et cette pièce, relatant son parcours et ses actions, fut jouée déjà à de nombreuses reprises depuis des années !

N’étant malheureusement plus présent aux dates de représentation annoncées, je décide de faire une recherche afin de découvrir Saint-Roch, son origine, son parcours et ses actions.

Ces recherches et mes expériences futures feront qu’un jour je me déciderai à faire le chemin comme un pèlerin.       

>>Vers Compostelle >>

Textes de Giovanni David Valente   Tout droit réservé

Retour Accueil                         Retour Ateliers